• Interview de l'auteur

    Les éditions Nature & Progrès publient Nourrir l’Europe en temps de crise de Pablo Servigne. Il s’agit d’une version corrigée et augmentée, pour le grand public, d’un rapport scientifique réalisé par l’auteur pour le groupe Les Verts/ALE au Parlement européen. Les constats et les propositions de Pablo Servigne, basés sur des études scientifiques très récentes et très pointues, sont tranchants, sans langue de bois et très originaux, en décalage complet avec les propositions politiques classiques.

    Quelles sont les crises évoquées dans le titre du livre ?

    Eh bien, toutes les crises que nous connaissons déjà : le climat, le pic du pétrole et des autres ressources, la destruction de la biodiversité, l’accès à l’eau, les crises financières… La nouveauté, c’est de considérer toutes ces crises en même temps ! Nous avons l’habitude de cloisonner nos savoirs en disciplines. Chacun dit « c’est la crise » dans son domaine et cherche des solutions spécifiques et isolées. En fin de compte, le problème est absolument partout, il est systémique. Ce qu’il faut souligner aujourd’hui, c’est qu’à cause des interactions entre les crises, leur gravité, leur ampleur va en s’accélérant. Il faut donc imaginer des solutions qui répondent à toutes les crises en même temps…

    Ces crises entremêlées ont des conséquences sur l’avenir des systèmes alimentaires…

    Notre système alimentaire industriel connaîtra probablement des grands bouleversements dans les années qui viennent. Il est important de comprendre que l’avenir ne sera pas forcément linéaire : il peut y avoir des ruptures. Dans les politiques qu’on va mettre en place pour répondre aux crises, il s’agit de prendre en compte les deux visions. D’une part, ce qu’on fait déjà, élaborer des politiques linéaires, comme si la transition allait être douce, vers le renouvelable, vers un futur meilleur. D’autre part, ce que personne ne fait encore, on devrait aussi installer des cellules de crise, des groupes qui pensent l’éventualité des catastrophes, disons-le clairement. Les données scientifiques sont telles qu’on ne peut rester dans le déni de ces éventualités.

    Pourquoi avoir abordé ce thème de l’alimentation ?

    Je me suis rendu compte, au fil de mes recherches, que les systèmes alimentaires touchaient absolument tous les thèmes, et donc toutes les crises. Ils sont liés, par l’agriculture, au climat, à l’énergie, au pic pétrolier, à la biodiversité, à la santé des citoyens et des agriculteurs. Il y a l’économie, le social, tout est là. C’est une excellente manière de comprendre le côté systémique de ce qui nous arrive, des grands chocs qui peuvent affecter le système. Et surtout, c’est une manière très facile, très intuitive, de commencer à changer ses modes de vie, pour ceux qui prennent conscience des crises.

    Ce rapport scientifique est à présent édité par Nature & Progrès sous forme de livre, pour rencontrer un plus large public. Dans quel but ?

    Le problème aujourd’hui, c’est qu’on ne voit pas notre système alimentaire. Prenons la lasagne qu’on achète au supermarché… Peu de gens connaissent toute la chaîne, en amont, qui lui a permis d’arriver dans notre caddie, et après la consommation, la fin de la chaîne alimentaire, la gestion des déchets… Les systèmes alimentaires sont invisibles. L’objectif, c’est de les rendre visibles, maîtrisables par tout un chacun, donc autonomes. L’idée, c’est de se débrancher du grand système industriel qui va peu à peu se dégrader, voire s’arrêter.

    Concrètement, quelles sont les alternatives dans la vie de tous les jours ?

    La manière d’aller de l’avant, c’est de construire des petits systèmes plus autonomes. Pour l’alimentation, ça veut dire, par exemple, des GASAP (AMAP en France), des potagers collectifs… À Cuba, qui a subi des chocs énergétiques dans les années 90, c’est ce qui est apparu spontanément. Quand les systèmes alimentaires se dérèglent, c’est spontanément la première chose qui apparaît : des voisins qui s’entraident pour se nourrir, cultiver des potagers, retrouver une certaine autonomie, donc pour reconstruire des petits systèmes alimentaires résilients. La résilience, c’est le concept clé pour aborder l’avenir des systèmes alimentaires. Dans le rapport, dans le livre donc, je propose un ensemble de principes, de techniques, d’exemples, de recommandations politiques et citoyennes qui ont leur place dans la boîte à outils pour l’avenir.

     

    Propos recueillis par Guillaume Lohest

    Retrouvez l’interview complète dans la revue Valériane de septembre 2014

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